Comme il fut recommandé à la reine de retourner à Kapilavasdu sans poursuivre son voyage, le cortège fit demi-tour. Une fois de retour au palais, Maya consulta les devins et astrologues: Maya demanda quel serait l'avenir de son enfant. L'astrologue vit pour cet enfant deux destins possibles: "Soit un grand roi qui fera prospérer le royaume, soit un leader religieux au grand pouvoir spirituel. De toute façon quel que soit le choix que fera cet enfant il réussira!". Le père écoutait attentivement les prédictions du devin. Plus tard ses parents décidèrent de nommer l'enfant Shidarta Gautama, ce qui signifie en sanscrit: celui qui réalise tous ses objectifs.
Son père, très attentionné et très attaché à la qualité de vie de son fils (avec l'objectif qu'il devienne son successeur comme roi de Kapilavasdu) décida et ordonna dans tout le royaume que nul mendiant (de peur que la vue de pauvres n'éveille en Shidarta la compassion et par là-même la vocation religieuse) que nul malade, vieillard ou mourant n'approche du royaume ni n'y demeure et plus particulièrement n'approche de l'enceinte du palais. Le père, conscient des prédictions, ne ménageait pas ses efforts pour épargner à son fils toute interrogation.
Shidarta ignorait donc tout de la vieillesse, la pauvreté la maladie et la mort; il grandit donc dans le confort et la quiétude du palais royal. Son éducation était suivie par d'éminents professeurs et visait à faire de l'enfant un être instruit dans tous les domaines: sciences, lettres, langues; et astrologie, mathématiques et surtout politique, à la demande de son père. Un officier de la garde royale lui enseigna à monter à cheval, tirer à l'arc et combattre avec la lance, l'épée et le sabre. Shidarta était très doué dans tous les domaines et n'avait nul besoin de leçon, d'ailleurs c'est plutôt Shidarta qui instruisait ses professeurs! Les années passèrent dans la quiétude et l'insouciance de l'enfance, et toujours son père veillait en repli à ce que rien ne puisse interférer dans l'éducation du jeune prince.
Dans ses soirées il assistait à des spectacles de théâtre, de chant, de danse et de conteurs d'histoires. A vingt ans il rencontre Yadochara, une très jeune et belle jeune fille, se lie d'amitié, puis tombe amoureux d'elle. Ils se marièrent et le père de Shidarta très heureux construisit trois palais pour les nouveaux mariés: un palais somptueux de bois de cèdre et de santal pour l'hiver, un palais de marbre pour l'été et un de briques pour la saison des pluies. Ils y vécurent heureux. Au bout de dix ans un enfant naquit, fruit de leur union, qu'ils nommèrent Rahula. Le père de Shidarta Gautama, heureux de cette nouvelle, assuré de la succession pour deux générations, organisa une gigantesque fête où tous les convives pouvaient profiter de nourriture excellente, de boisson et de spectacles. Mais le père de Shidarta se trompe: ni le mariage ni la paternité n'ont apaisé dans le coeur de Shidarta la soif de réponse à des interrogations existentielles.
De plus en plus régulièrement Shidarta se replie en solitaire: il s'éloigne du palais de plus en plus loin , pour faire des promenades contemplatives. Et c'est là que les messagers de sa destinée se présenteront devant lui sous la forme de quatre rencontres, bouleversantes pour celui qui est rester confiné dans une existence bien protégée.
Il rencontre en premier un lépreux qui laissera Shidarta bouleversé de compassion; en larmes, il rejoignit le palais où il pleurera toute la nuit en pensant à ce qu'il avait vu.
Les soirées suivantes il fait la découverte d'un vieillard, puis celle d'un mourant. Triplement bouleversé par ses découvertes il se réfugie dans la solitude et le désarroi, se demandant quel pouvait être le sens de toutes ses découvertes. Nul brahamane ou religieux de l'époque ne pouvait lui répondre clairement sur cette réalité universelle. Puis il entreprit une quatrième sortie en secret: il s'éloigna du palais et un peu plus loin, près d'une rivière, un religieux faisait ses ablutions. Le brahmane l'invita à partager son repas et ils eurent une conversation qui se terminera très tard dans la soirée. Cette rencontre fut très révélatrice du choix de vie auquel Shidarta aspirait secrètement. Le lendemain il convoqua son serviteur le plus proche (plus ami que serviteur) et lui demanda de harnacher son cheval et de venir avec lui dans le bois.
Et là Shidarta dit à son serviteur:
"Prends mes vêtements et donne moi les tiens; prends mes bijoux: je sais que quand tu retourneras au palais mon père sera furieux contre toi; ces bijoux de grande valeur, tu pourras les vendre à bon prix et subvenir aux besoins de ta famille. Emmène mon cheval au palais. Dis à mes parents adieu, et à mon épouse également. Dis-leur que je ne reviendrai pas! La voie de mon destin m'appelle. Tu sais, mon ami, la nuit dernière j'ai fait un rêve étrange: les dieux et les démons se battaient et se disputaient à mon propos. Les dieux me dirent que le destin de l'humanité toute entière était entre mes mains, et les démons me parlèrent de souveraineté, de royaume, de pouvoir. Et j'ai fait mon choix, je ne peut me résoudre à un pouvoir temporel puisque tout est impermanence; quand viendra l'heure de ma mort la royauté sera totalement inutile. Seule la quête puis la découverte de la vérité en soi pourra m'être utile mais aussi utile a l'humanité toute entière qui vit dans l'ignorance. Dis-leur que j'ai choisi mon destin en rapport avec ma motivation. Dis-leur que j'ai choisi la voie de la vertu et de la rigueur d'une vie de religieux. Dis-leur que nul démon ou humain ne pourra contrecarrer mon destin. Dis-leur bien que je ne reviendrai jamais."
Et Shidarta s'éloigna. Une larme coula sur la joue du serviteur et ami de Shidarta.