Polly po-cket

<retour-boudhatour>


Une fois arrivés, ils honorèrent de leur tête les pieds du Vainqueur Transcendant, mais ils ne s'adressèrent pas à Celui-ainsi-allé. Ils ne disaient rien. Ils restaient assis sans parler. Le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna demanda alors : - Vainqueur Transcendant, pourquoi ces êtres ne s'adressent-ils pas au Vainqueur Transcendant. Pourquoi ne parlent-ils pas et restent-ils assis sans rien dire ? - Bhaishajya-séna, ne comprends-tu pas ? dit le Vainqueur Transcendant. La terre est dépourvue d'esprit, elle ne parle pas. Elle ne dit rien et ne comprend rien à l'Enseignement. Pourquoi cela ? Bhaishajya-séna, certains jeunes ici présents ne comprennent pas la naissance, même s'ils en ont été témoins. Ils ne comprennent pas toutes ces abominables souffrances que sont la mort, la vieillesse, la maladie, la douleur, le chagrin, la séparation d'avec les êtres chers, la rencontre de ce qui est désagréable, la mort, la mort prématurée. Ils ne comprennent pas toutes ces intolérables souffrances. Et même quand ils en ont été témoins, ces choses-là les laissent insensibles. Ils ne se révoltent pas. Aussi, Bhaishajya-séna, comment les leur faire comprendre ? Bhaishajya-séna, il faut les leur enseigner sans cesse. Le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna s'adressa alors au Vainqueur Transcendant : - Vainqueur Transcendant, d'où viennent ces jeunes qui ne connaissent pas la Doctrine ? D'où sont-ils morts ? Où renaîtront-ils ? - Écoute, Bhaishajya-séna ! Leur corps humain n'est pas l'oeuvre d'un orfèvre, d'un forgeron, d'un menuisier ou d'un potier. Il n'a pas été créé par la peur du roi. Il vient de l'union d'un homme et d'une femme et à cause du mauvais karma. Ces êtres aussi ont constamment, appris un métier, d'où en résultent une infinité d'abominables souffrances et de sensations désagréables. C'est là le résultat d'actions non vertueuses et nuisibles, commises dans le passé. Bhaishajya-séna, ces êtres, qui sont arrivés en ce lieu et ne s'élèvent pas, ressentiront de telles souffrances. Bhaishajya-séna, c'est pour cela qu'ils ne parlent pas, qu'ils ne disent pas un mot. De ce fait, Bhaishajya-séna, ces jeunes ne connaissent pas la vertu, ne comprennent pas la naissance, ne comprennent pas la cessation. Ils n'obtiendront même pas un corps humain. Voilà, Bhaishajyaséna, tels sont les êtres qu'on appelle "jeunes". - Vainqueur Transcendant, comment ces jeunes sont-ils nés et comment meurent-ils ? - Bhaishajya-séna, de la manière suivante : imagine qu'un homme mette un bout de bois au contact du feu. Peu à peu, le bois va s'enflammer. De façon analogue, Bhaishajya-séna, une personne commence par naître dans un corps humain et, dès la naissance, ressent des sensations. 53 - Vainqueur Transcendant, qui ici a une vraie naissance ? Après la naissance, qui passe complètement au-delà ? - Bhaishajya-séna, le Bouddha a une naissance. Celui-ainsi-allé passe complètement au-delà. C'est ainsi : imagine qu'un roi fasse enchaîner un homme et l'enferme dans une cellule sombre et obscure. En entrant dans ce cachot, l'homme voit combien cette pièce est sombre et obscure. Un autre homme, qui a déjà enduré la souffrance, en est témoin et pense : "Cet homme n'est pas préparé ! Il n'a pas connu la souffrance. Il en mourra !" De même qu'il [le roi] a soulagé ces êtres, Bhaishajya-séna, Celui-ainsi-allé, qui a aussi consumé toutes les afflictions mentales, apaise toute maladie. De même qu'après l'incendie de l'édifice et la mort de cet homme dans les flammes, il [le roi] décide de concourir au bien et au bonheur des êtres en libérant tous les prisonniers, de même Celui-ainsi-allé a éliminé les souillures de l'attachement, de l'aversion et de l'ignorance et, apparaissant dans le monde comme un flambeau pour les êtres, il les libère de leurs corps de damnés des enfers, d'animaux, d'esprits avides et de titans. Il affranchit également les jeunes et les vieux.


Les strophes suivantes émanèrent de la voûte céleste : Merveilleux est le champ du Vainqueur, Un champ excellent et bien préparé Où les graines plantées Ne se perdent jamais. Pur est le champ du Vainqueur. Louées sont les paroles de l'Eveillé. Pour englober tous les êtres, Le Maître crée aussi la méthode. Bien qu'il demeure dans la sphère du nirvana, Il apparaît aussi sur la terre. 54 Ayant apaisé le monde entier, L'Eveillé purifie les objets de générosité. Il libère les jeunes Il libère aussi les vieux. Il libère complètement Les êtres des trois mondes. Il ferme les portes des enfers, Libère les animaux et les esprits avides. Après avoir fait régner la paix dans ce monde Il crée le bonheur dans le suivant. L'Eveillé sourit et dit : Il est excellent de voir les excellents. Voir les Eveillés est excellent. Le saint Dharma est un champ de qualités, Un champ excellent. Voir l'assemblée du Sangha est excellent. Excellent aussi est l'enseignement du Sanghata ! Annihiler les maux est excellent. Alors, le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna, joignant respectueusement les mains devant le Vainqueur Transcendant, s'adressa à lui : - Vainqueur Transcendant, quelle est la cause, quelle est la raison de votre sourire ? - Fils de la lignée, vois-tu ces jeunes ? - Oui, Vainqueur Transcendant, je les vois. Oui, Bienheureux, je les vois. - Bhaishajya-séna, aujourd'hui même, ils seront établis dans les dix terres. Puis, le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna demeura dans l'espace, à une hauteur de quatre-vingt mille yojanas dans le ciel, d'où quatre-vingt milliards de dieux déversèrent une pluie de fleurs sur le Vainqueur Transcendant. Tous les jeunes, joignant les mains, lui rendirent hommage. Depuis l'espace où il demeurait, le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna, prononça ces paroles : "Le son [de sa voix] emplit trois mille milliards de mondes. Les êtres nés dans les trente-deux grands enfers l'entendront. Les trente-deux groupes de dieux l'entendront." Les trois mille milliards de mondes se mirent à trembler de six façons. Dans les grands océans, quatre-vingt mille esprits serpents s'agitèrent. Trente milliards de rakshasas vinrent sur cette planète. Vingt-cinq milliards d'esprits avides, de yakshas et de rakshasas arrivèrent de la ville royale 55 d'Adakavati et toute cette assemblée se présenta devant le Vainqueur Transcendant. Quand le Vainqueur Transcendant enseigna la Doctrine aux jeunes, cent milliards de bodhisattvas arrivèrent depuis les mondes des dix directions au moyen de leurs pouvoirs miraculeux respectifs. Le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna, joignant respectueusement les mains en direction du Vainqueur Transcendant, s'adressa alors à lui : - Nombreux, Vainqueur Transcendant, nombreux, Bienheureux, sont les bodhisattvas qui sont venus ici et se sont assemblés. Vainqueur Transcendant, nombreux sont les dieux et les esprits serpents qui sont venus ici et se sont assemblés. Nombreux aussi sont les rakshasas qui, en provenance de la ville royale d'Adakavati, sont venus ici et se sont assemblés. Le Vainqueur Transcendant s'adressa alors au bodhisattva, au grand être Bhaishajya-séna : - Fils de la lignée, approche ! Le bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna, utilisa ses pouvoirs miraculeux pour descendre de l'espace. Joignant respectueusement les mains devant le Vainqueur Transcendant, il lui demanda : - Vainqueur Transcendant, le corps de la Doctrine est appelé "corps de la Doctrine". Vainqueur Transcendant, quelle est l'étendue du "corps de la Doctrine" ? - Fils de la lignée, le "corps de la Doctrine" est appelé ainsi lorsqu'on s'applique à la chasteté et qu'en pratiquant exclusivement la chasteté on s'abstient de toute faute. Fils de la lignée, vois-tu ces jeunes qui, ayant renoncé à toute conduite impure, ont obtenu le dharani et détiennent tous les enseignements ? - Vainqueur Transcendant, par quels moyens tant d'êtres sont-ils venus et se sont assemblés pour entendre le corps de la Doctrine ?


Le Vainqueur Transcendant répondit au bodhisattva, le grand être Bhaishajya-séna : - Bhaishajya-séna, la plupart des êtres n'entendent pas que naître est souffrance, que vieillir est souffrance, que la maladie est souffrance, que la douleur est souffrance, que les pleurs sont souffrance, que la séparation d'avec les êtres chers est souffrance et que l'association avec ce qui est déplaisant est souffrance. Après toutes ces souffrances, la mort emporte le corps et la vie. Bhaishajya-séna, voilà ce qu'on nomme "toutes souffrances". Après avoir entendu cet enseignement, les jeunes, joignirent respectueusement les mains devant le Vainqueur Transcendant et s'adressèrent à lui : - Vainqueur Transcendant, nous devrons nous aussi mourir ! - Vous et tous les êtres devrez mourir, ajouta le Vainqueur Transcendant. 56 - Vainqueur Transcendant, comment le moment de la mort nous arriverat- il ? - Fils de la lignée, au moment de mourir, au dernier moment de conscience, trois vents - un vent appelé "cessation de la conscience", un vent appelé "confusion de la conscience" et un vent appelé "perturbation de la conscience" - viennent agiter, tromper et perturber la dernière conscience. - Vainqueur Transcendant, quels sont les trois vents qui, lorsque la dernière conscience cesse, annihilent le corps au moment de la mort ? - Amis, ceux qui détruisent le corps s'appellent "arme", "force" et "blesse". - Vainqueur Transcendant, qu'est-ce que "le corps" ? - On l'appelle aussi "celui qui se consume totalement", "l'incinéré", "la lymphe", "celui qui éructe", "le lieu de crémation", "l'ignoble esprit", "le lourd fardeau", "celui que la naissance torture", "celui que la naissance secoue violemment", "celui qui est tourmenté par la force vitale", "celui qui cause la mort et sépare les proches". Amis, c'est ainsi que l'on nomme "le corps", répondit le Vainqueur Transcendant. - Vainqueur Transcendant, qu'est-ce qui meurt ? Qu'est-ce qui continue à vivre ? - Amis, ce qu'on appelle "la conscience" meurt. Êtres de longue vie, ce qu'on appelle "le mérite" continue. Amis, ce qui meurt est "le corps"» : il est maintenu par des millions de nerfs, pourvu de quatre-vingt-quatre mille pores, lié par douze mille membres et soutenu par trois cent soixante os. Quatre-vingtquatre sortes de parasites vivent à l'intérieur de lui. Ces êtres vivants meurent aussi. Pour eux aussi, la mort, la cessation, existe. Lorsqu'une personne meurt, tous ces êtres aussi perdent espoir. Les vents les perturbent et les poussent à s'entre dévorer. À ce moment-là, ils ressentent la souffrance. Certains pleurent leur fils, certains pleurent leur fille, certains pleurent leur ami. Tous sont transpercés par d'atroces tourments. Ils essaient de s'entre dévorer et, quand ils y sont parvenus, qu'il n'en reste plus que deux, ces deux-là se battent encore sept jours durant. Au terme du septième jour, l'un des deux est détruit et l'autre s'enfuit. Êtres de longue vie, qu'est-ce que le "Dharma" ? Qu'en pensez-vous ? À l'instar de ces êtres qui s'affrontèrent et périrent, les gens ordinaires et puérils entrent en conflit. La naissance ne leur fait pas peur. Le vieillissement ne leur fait pas peur. La maladie ne leur fait pas peur. La mort ne leur fait pas peur. Tout comme ces deux êtres qui ont lutté l'un contre l'autre, les gens ordinaires et puérils se battent entre eux. Au moment de la mort, des êtres vertueux leur demandent : - En quoi placez-vous votre foi ? Ne voyez-vous toutes ces souffrances ? Pourquoi ne percevez-vous pas la moindre imperfection ? Ne voyez-vous pas les imperfections de la souffrance de la naissance ? Ne voyez-vous pas les 57 imperfections du vieillissement ? Ne voyez-vous pas les imperfections du vieillissement et de la maladie ? Ne voyez-vous pas les imperfections de la mort ?


- Être de longue vie, nous avons bien vu les imperfections de la naissance, nous avons bien vu les imperfections du vieillissement et de la maladie. Nous avons aussi vu les imperfections de la mort, quand tout s'achève. - Alors, pourquoi ne pas avoir cultivé les pratiques qui créent des racines de bien ? Pourquoi n'avez-vous pas créé les racines de bien par rapport à l'ensemble de la Doctrine qui accroît le bonheur dans les deux mondes ? Amis, une seconde fois, je vous le demande, pourquoi n'avez-vous pas créé la provision de vertus qui vous libérerait définitivement de la naissance et de la mort ? Pourquoi n'avez-vous pas analysé la juste pratique sur laquelle vous deviez diriger votre attention ? Comment n'avez-vous pas entendu les battements du tambour résonner sur la Terre ? N'avez-vous pas vu planter les graines de vertu dans le champ de Celui-ainsi-allé, et ces offrandes d'encens, de guirlandes et de lampes ? N'avez-vous pas vu ces nourritures et boissons qu'on offrait à Celuiainsi- allé, et la satisfaction des quatre groupes d'adeptes qui s'en remettent pleinement aux enseignements : moines et nonnes, laïcs et laïques qui tiennent les préceptes ? Ainsi l'accusaient-ils, pour son bien. - Majesté, vous n'avez rien accompli de bien ! Homme venu sur Terre, tu as mal agi ! Le roi de la Doctrine donna alors des enseignements au défunt par ces vers : - Tu as vu l'avènement d'un ainsi-allé Et entendu le roulement du tambour, Tu as aussi entendu l'exposé de la Doctrine, Qui conduit à la paix, à l'au-delà des peines. Pourtant, tu n'as rien fait ! L'homme répondit alors : - Mon esprit puéril Était sous la coupe de mauvais compagnons. Grisé par le désir, J'ai commis de mauvaises actions. Guidé par mes désirs, J'ai tué des êtres vivants Et dépensé ce qui appartenait au Sangha, Insurmontables en sont les résultats. 58 En proie à la malveillance, J'ai détruit des stoupas, Proféré des mots durs Et tourmenté même ma mère. Je reconnais les erreurs Commises avec mon corps. Et je vois des naissances ô combien insoutenables Dans le grand enfer de Maharaurava (Grandes Lamentations). Je ressentirai les souffrances de Samghata (Destruction en masse) Et celles de Tapana (Chaleur Extrême). Et dans le grand Avici (Sans répit), Je subirai d'intolérables tourments. Déchiqueté dans l'enfer Mahapadma (Grand Lotus), En damné, j'éprouverai d'extrêmes souffrances. Par cent fois, je renaîtrai Dans le terrifiant Kalasutra (Lignes noires). Après avoir été tués, les êtres des enfers Revoient à nouveau ces choses effrayantes. Encore et encore, ils chutent De cent yojanas dans les grandes terreurs. Ne trouvant pas d'issue, Ils replongent dans les ténèbres. Dans l'enfer appelé Kshura (Rasoirs), Mille lames apparaissent. Et des centaines de milliards [de fois], Ils naissent en face de ces lames Qui, à cause de mes mauvaises actions, Mon corps, tailleront en pièces. D'effroyables tempêtes le baratteront Et le détruiront entièrement. Telles sont les souffrances continuelles Que je devrai endurer dans les enfers. 59 Et ces êtres me verront, Le corps en proie à des souffrances extrêmes. Pour subvenir aux besoins de mon foyer, Je me suis accaparé ce qu'autrui ne m'avait pas donné. Ô Fils et filles, Frères et soeurs, Père et mère, Multitude de parents et amis, Serviteurs et employés, Bétail et animaux familiers ; Vers des fins négatives, je me suis fourvoyé. Pour des timbales d'or et d'argent, Des vêtements fins et douillets, En vue de monter mon ménage, Je me suis égaré de bien des façons. J'ai construit une splendide maison Où hommes et femmes sont venus se prélasser. Le son du sitar et des tablas A séduit mon esprit insoumis. Baignant mon corps dans des eaux parfumées, Je ne ressens toujours pas de contentement. Corps sans âme, à cause de toi, Je me suis fourvoyé ! Plus tard, lorsque mon corps sera emporté inexorablement, Par un gigantesque raz-de-marée, Pas un seul être Ne me protégera.



<chapitre X>
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